Dis papa, pourquoi tu cours ?

 Premiers mètres,

Mes pieds tapent le sol

Au rythme du chronomètre.

Sans cap, pas besoin de boussole,

Pour avaler les kilomètres.

 

En immersion, barre à bâbord, 5'30'' au kilomètre.

Capitaine de bord, du temps et de l'espace je suis maître.

Moteur ! Fermer les écoutilles, Rentrer le périscope.

Je me fais mon film, les abysses en cinémascope.

Action ! Ouvrir les oreillettes, activer les ventricules.

Vingt-quatre pulsations minute, je déroule la pellicule.

Aveugle et sourd à la moindre maïeutique,

Je n'ai pas de doutes en mon for amniotique.

 

Premières douleurs,

Le sol tape mes pieds

Au rythme de mon cœur.

Sans cap, je fais pitié,

Ma quête n'est qu'un leurre.

 

Quo vadis* ? Interroge mon corps.

Que répondre à ce cri ab imo pectore** ?

Je crache mon latin et j'en perds mon aérobie,

J'erre comme un pantin, un demi-zombie.

Le doute me ronge comme l'acide lactique,

La réponse est vaine et la situation caustique.

Goutte à goutte, pas à pas, suinte mon égo.

Coûte que coûte, pas à pas, delenda Carthago.***

 

Première rêverie,

Hors sol, je perds pied

Au rythme de ma flânerie.

Plus de cap, je suis déjà arrivé,

Ma quête cède à cette griserie.

 

Entre terre et ciel, je cours, je vole, hybride.

Endo-exo, bientôt papillon, déjà chrysalide.

La terre nourrit, je n'ai pas perdu racine,

Et pourtant, seul le soleil me fascine.

Je décolle, le sang souffle dans mes veines.

Je vole, le vent coule dans la plaine.

Je bois la lumière, j'ai la peau chlorophylle,

Entre ciel et terre, je plane, un funambule sans fil.

 

Sans cap et sans compas,

Par millions nous courons

Et la terre roule sous nos pas.

Bien-sûr, nous tournons en rond,

A vos enfants, ne le dites pas !

 

 

*Quo vadis ? : où vas-tu ?

**Ab imo pectore : du fond de la poitrine, du coeur.

*** Delenda Carthago : Il faut détruire Carthage.
Paroles par lesquelles Caton l'Ancien (Florus, Hist. rom., II, 15) terminait tous ses discours, sur quelque sujet que ce fût. S'emploient pour rendre une idée fixe que l'on a dans l'esprit, dont on poursuit avec acharnement la réalisation.